dimanche 26 octobre 2008

Je découvre Advanced Bionics et Los Angeles

Depuis le début de l’été, je suis en correspondance avec l’équipe d’Advanced Bionics, les fabricants de mon système d’implant cochléaire, dans le but de participer à leur programme de tests.

Le programme est intéressant. On me paie, à moi et à la personne qui m’accompagne, toutes les dépenses suivantes : voyage, hébergement, voiture, et petites dépenses à raison d’un per diem de 46 USD par personne. Si je choisis de rester plus longtemps, mes dépenses additionnelles sont à mes frais mais mon voyage reste payé par AB.

Finalement, au début d’octobre, nous nous sommes décidés. Je me suis inscrite pour deux journées de tests, la semaine du 20 octobre. Dans l’échange de messages qui a suivi, j’ai mentionné que j’aimerais beaucoup participer à des tests effectués dans le cadre de leurs recherches sur l’amélioration de la perception de la musique. J’ai expliqué que je croyais que serais un bon sujet, étant donné mes études musicales, le succès que j’avais avec l’implant, et mes efforts personnels pour améliorer ma perception de la musique au moyen de l’implant.

Et voilà-t-il pas que j’ai été invitée à participer à leur programme de formation à la qualité, dans le cadre duquel ils organisent des rencontres du personnel avec les patients. Si j’acceptais, je ferais un exposé pour raconter mon histoire aux membres de chacun de leurs deux groupes d’employés. De plus, toujours si j’y consentais, on tournerait une petite vidéo de mon exposé, pour le personnel de l’équipe de nuit. Finalement, toujours si j’acceptais, je ferais l’objet d'une entrevue filmée en studio, à visionner sur le site d’Advanced Bionics. Et on me paierait une journée de séjour de plus.

J’ai tout accepté, le concept du programme me semblait judicieux et l’expérience m’intéressait.

Voyage

Nous sommes partis dimanche matin, le 19. Nous prenions l’avion à 9 h 30. Pas besoin de vous dire que la nuit fut mouvementée. Rien ne m’énerve et ne m’empêche de dormir comme de savoir que je dois me lever sans faute à une certaine heure, avec des conséquences comme manquer un avion si je ne me réveille pas. Nous avons tous et toutes nos petites anxiétés, n’est-ce pas ? De plus, j’avais commencé à rédiger ma présentation mais je n’avais pas fini, ça me tournait dans la tête…

C’était la première fois que je prenais l’avion depuis l’implant. On nous donne une carte à présenter aux agents de sécurité, qui nous identifie comme porteur d’implant indique qu’il est possible que l’implant déclenche le signal du portail, et aussi qu’il est impossible de faire passer les composants de l’implant dans les machines à rayons X. On nous explique que le scanneur manuel est acceptable. Au moment de la programmation, à Québec, on m’avait raconté l’histoire de cette dame qui, dans l’énervement du voyage, a placé son processeur dans le plateau qui est passé aux rayons X. Le processeur a été complètement déprogrammé ! Imaginez, passer une semaine en vacances sans processeur…

Dans mon cas, tout s’est passé sans la moindre anicroche et je n’ai pas déclenché de signal d’alarme. Nous voyagions par United mais le vol se faisait par Air Canada, sur un Airbus 309. Une patate, a dit Roger. N’empêche que la patate avait à chaque place une prise de courant et j’ai donc pu profiter du temps en vol (cinq heures et quarante huit minutes à l’aller) pour terminer le texte de ma présentation. Un vol par ailleurs on ne peut plus sans histoire.

Après l’atterrissage à Los Angeles, nous avons eu la surprise de découvrir qu’on nous envoyait reprendre nos bagages sans autre formalité de sécurité. Et hop ! En route à bord de la navette qui nous mène à l’immense terrain de stationnement de l’agence Hertz. Notre Toyota Camry se trouvait dans l’espace 973 !!! Et oui, il y a un espace 001 !

Notre voiture est munie d’un système GPS Magellan. Nous avions apporté notre Garmin (nous ne partons plus sans lui) mais avons utilisé le Magellan pour nous rendre à l’hôtel. Le système du Magellan pour ce qui est de la saisie des données de l’adresse de destination est vraiment peu pratique. Au lieu d’un petit clavier, l’écran de l’appareil offre un alphabet où l’on navigue lettre par lettre au moyen de flèches. Même si c’est un système intelligent qui, à mesure qu’avance la saisie, évalue les solutions possibles et offre de moins en moins de lettres, ça ne va pas vite.

Bon, revenons à nos moutons.

C’est notre premier contact avec les autoroutes de Los Angeles et ça se passe fort bien. Évidemment, un dimanche après-midi, ce n’est pas l’heure de pointe. Nous traversons quand même quelques zones encombrées : c’est comme chez nous, plein de gens s’en vont chez belle-maman ou le beauf ou en promenade.

C’est aussi notre premier contact avec les montagnes de Santa Monica, qui enserrent toute la région, de plus ou moins près. Un relief tellement découpé, tellement accusé. Dans certains cas, à peine des buttes, mais aussi des hauteurs plus imposantes. Et le tout, en général, couleur sable, ou brun. C’est, pour nous, très nouveau et très beau.

Nous arrivons à l’hôtel sans anicroche mais la fatigue se fait déjà sentir, même s’il n’est que 14 h 30, heure du Pacifique. Après une brève promenade, souper et on rentre. Je mets la dernière main à ma présentation, j’ai décidé d’utiliser Power Point pour ajouter quelques images, notamment des diagrammes de ma courbe de perte auditive et même un petit fichier son, car je parle de mon fameux sol 5 et je le fais entendre. Dans le cas des diagrammes, j’ai commencé à les reproduire pour vous, il y en a maintenant deux dans le deuxième texte de ce blogue, tout au bas.

Premier jour, le lundi 20

J'ajoute quelques points à ma présentation, avec les idées qui me sont venues durant la nuit. Roger fait tap-tap-tap…

L’hôtel offre un très honnête petit déjeuner gratuit, avec un buffet proposant café et jus, fruits, céréales, muffins, gruau (du gruau, Élisabeth, du gruau !), rôties, bagels, beignes, brioches, et même, un plat chaud en portions individuelles, qui varie chaque matin : petite omelette au fromage, petite rondelle de chair de saucisse, etc.

Je suis nerveuse à l’idée de ma présentation, et Roger est nerveux à l’idée du trajet à faire pour se rendre chez Advanced Bionics. On nous a parlé des terribles embouteillages de l’heure de pointe à Los Angeles, et du fait qu’un trajet d’une trentaine de minutes peut en fait prendre jusqu’à deux heures et demie. Nous sommes attendus vers 9 h pour la mise en place de tout l’équipement pour ma présentation, à 9 h 30. On nous a dit de compter environ une demi-heure à l’heure de pointe. Nous partons donc (!) vers 7 h 30. Nous arrivons en fait un peu après 8 h (béni soit le GPS, béni soit son saint nom !)

La mise en place de l’équipement se fait quasi sans heurt et Roger arrive en quelques minutes à peine à faire en sorte que mon Mac s’affiche sur le grand écran de projection.

Exposé, go !

Mon premier exposé s’adresse au personnel de l’installation où se fait la fabrication et la recherche, à Sylmar. Je m’oriente davantage sur les aspects médicaux de ma surdité, l’impact de ma deuxième grossesse, le programme expérimental au fluorure, les années sans l’implant et leur justification, et l’impact de la ménopause. J’explique aussi la gratuité du système de santé québécois, la compétence de l’équipe d’implant et la minutie du processus de sélection. Je raconte mes premières expériences avec l’implant et, bien sûr, l’histoire de la barbe de Roger. Je décris avec assez de détails (je fais de mon mieux, côté termes techniques !) mon expérience de la musique depuis l’implant, ce que j’entends avec mon iPod ou la radio de l’auto, ou quand je joue du piano.

À la fin de la présentation, après les questions, Gabriele, la responsable du programme, me félicite chaleureusement et me dit que ma présentation était « fabulous ». Je la remercie en riant et je lui dis que je suis bien certaine qu’elle ne dit jamais que c’était fort ennuyeux. Elle rit à son tour et dit que parfois, elle dit simplement que c’était bien.

La personne avec qui je vais travailler pour les deux jours de tests vient se présenter. Je n’en dirai pas plus long car je me suis engagée à ne rien révéler concernant les tests. Et comme j’ai lu beaucoup de romans et que j’ai beaucoup beaucoup d’imagination, je ne dirai même pas d’où viennent les gens que j’ai rencontrés, de peur qu’un ignoble espion industriel ne dise, en lisant mon blogue (il n’a vraiment pas grand chose à faire !) : « ah tiens, un scientifique du Proutoustan du Nord-ouest chez Advanced Bionics, ce doit être Plouk Chozaki, ce qui signifie qu’AB s’intéresse à l’audition des libellules et se prépare à mettre au point une antenne proto-éthologique ! »

Visite du campus de Sylmar

Après mon exposé, rencontre avec un autre chercheur, pour la visite. Il commence par nous présenter en détail les éléments qui constituent le système que je porte. Il nous montre d’abord les divers composants de l’implant lui-même, le capteur-stimulateur et les électrodes. Presque tous les matériaux utilisés pour la fabrication de l’implant sont des métaux précieux pour des raisons de durabilité et de stabilité, comme par exemple les fins fils d’or protégés de platine qui transmettent les signaux du capteur aux électrodes, ou encore le titane du boîtier.



Contrairement à ce que nous avions cru comprendre et à ce que j’ai écrit ici ou expliqué précédemment à plein de gens, les électrodes ne sont pas rattachées individuellement dans la cochlée, elles sont plutôt formées en une longue et très fine rangée, qui est insérée dans le tube en spirale que forme la cochlée.


Il nous montre ensuite les divers circuits qui composent le processeur et souligne que AB est passé d’un boîtier au corps,

d’environ 7 centimètres sur 5, et 1 centimètre d’épaisseur,
à un élément se portant derrière l’oreille de moins de 1 centimètre et demi de diamètre et de même pas un demi-centimètre d’épaisseur et ce, en ajoutant plus de fonctions et de précision.

Notez que l’élément processeur, ce n’est que le petit morceau relié à l’antenne qui est au-dessus de la fine ligne, à peu près à la moitié. De l’autre côté de la ligne, c’est la pile, en fait plus grosse que le processeur lui-même. C’est une merveille de miniaturisation.

Les gens que le côté technique intéresse trouveront plus d’explications sur le site d’Advanced Bionics, dans la section destinée aux professionnels mais qui est accessible à tous. En voici l’adresse :

http ://www.bionicear.com/For_Professionals/index.cfm ?langid=1

AB ne fabrique pas tous les composants qui entrent dans la fabrication de l’implant, comme par exemple, justement les circuits intégrés du processeur, mais c’est son équipe qui les conçoit et les teste, ou qui travaille en étroite collaboration avec des concepteurs de systèmes électroniques. C’est cependant chez AB que se fait le montage des électrodes.

Nous faisons ensuite la visite des installations de production proprement dites. Nous voyons notamment une dizaine de personnes qui travaillent en s’observant à travers des lentilles grossissantes parce qu’elles manipulent des éléments d’une extrême petitesse. Dans une autre salle, d’autres effectuent des opérations avec des gants qui pénètrent dans des boîtes entièrement isolées. Tout le monde porte des combinaisons de laboratoire, des résilles, et des bandes de caoutchouc de mise à la terre sous les pieds et aux poignets. Pour travailler au montage des rangées d’électrodes, il faut suivre une formation de trois mois.

Le processus de contrôle de la qualité est rigoureux. Toute personne peut interrompre en tout temps le processus pour signaler un défaut. Le chercheur nous raconte qu’un travailleur a signalé un jour un défaut dans une toute nouvelle pièce, fabriquée à l’extérieur, qui avait pourtant été approuvée et testée par de nombreuses équipes, y compris chez AB. « Il a fait perdre deux millions à la compagnie et savez-vous ce que la compagnie a fait ? Elle lui a décerné un prix spécial ! »

Ce qui est intéressant aussi, c’est que notre guide nous assure que l’effectif d’AB est extrêmement passionné et motivé. Le roulement est relativement peu élevé. Tout le personnel est conscient et fier de participer à la fabrication d’un produit qui fait vraiment une différence dans la vie des gens.

Après-midi

En après-midi, je reprends ma présentation, cette fois devant le personnel des ressources humaines et des ventes, de la section de Valencia. Mon exposé est filmé et sera présenté au personnel de l’équipe de nuit. Gabriele est de nouveau très contente de moi, Roger dit que j’ai « bien fait ça ». Et moi, je suis sérieusement soulagée et, en gros, satisfaite de ma performance.

Après quoi, on me conduit au studio interne d’AB, pour l’entrevue filmée, où je relate mon expérience et mon opinion sur l’implant et le processeur. Le vidéographe, Howard, fera un montage et je serai la « vedette » d’une des vidéos d’information sur l’implant, que l’on peut visionner sur la page YouTube d’Advanced Bionics. En voici l’adresse, mais je n’y suis pas encore.

http ://www.youtube.com/user/HarmonyBionicEar

Howard nous a raconté comment il en est venu à travailler chez Advanced Bionics. Il avait alors sa propre entreprise de vidéo industrielle et s’en tirait fort bien. AB lui a confié un contrat, deux vidéos sur les installations. Il a rempli son contrat, pour lui, c’était un mandat intéressant, sans plus. Un mois plus tard, on l’a rappelé pour lui offrir un nouveau contrat. D’la job, c’est d’la job, s’est dit Howard, toujours sans plus, et « le chèque avait passé ». Toujours bon, un chèque qui passe, nous tombons d’accord.

Excepté que cette fois-là, on lui a demandé de filmer la première activation du processeur d’un enfant. Et en captant les images de la surprise de l’enfant qui entend pour la première fois, il s’est mis à pleurer à chaudes larmes.

Il a fait des pieds et des mains et s’est fait engager par AB comme responsable des productions audio-visuelles et ne changerait d’emploi pour rien au monde.

De retour prochainement avec la suite de la semaine.